Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la guerre en Ukraine et aux conséquences pour la France
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la Première ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis le 24 février dernier, premier jour de l'agression de l'Ukraine par la Russie, la résistance des Ukrainiens n'a jamais cessé. Une résistance admirable et durable que Vladimir Poutine avait sans doute sous-estimée.
Courage, résilience et détermination sont les ingrédients d'une force morale qui ne faiblit pas, ni au sein de la population ni au sein de l'armée ukrainienne.
Du courage, il en faut pour affronter la puissance militaire russe et ses centaines de milliers d'hommes. Il en faut pour vouloir rétablir la réalité d'un pays libre et souverain face à l'Histoire révisée et mensongère de Poutine.
La résilience, les Ukrainiens n'en manquent pas non plus. Les drames humains, le siège de Marioupol, la tragédie de Boutcha, les bombardements d'infrastructures civiles jusqu'au cœur du territoire, tout cela est difficile à vivre et ne manquera pas de laisser des traces.
Malgré tout, pour le moment, rien – même le pire – n'a entamé la détermination des Ukrainiens.
C'est avec cette égale détermination que le président Zelensky a endossé le rôle de chef de guerre. Sa volonté sans faille, confortée par le soutien matériel et diplomatique de nombreux pays occidentaux, permet à l'Ukraine de tenir.
Mieux que cela, le pot de terre est capable de bousculer – et même de renverser – le pot de fer. Courant septembre, l'armée ukrainienne a réalisé de remarquables reconquêtes dans le nord-est ainsi que dans le sud de son pays. Cela a été rappelé, la ligne de front a bougé en faveur de l'Ukraine, dans la région de Kharkiv notamment, et vers Kherson au sud.
Ces réussites, si l'on ne peut bien entendu que les souhaiter, ont, disons-le aussi, un revers : les effets de l'humiliation de Vladimir Poutine devant ses échecs.
Cet affront le conduit sans cesse à l'escalade jusqu'à l'ultime menace, celle de brandir régulièrement l'arme nucléaire. Je n'oublie pas les manipulations qu'il a érigées en art de la guerre, telle la dernière autour de la prétendue « bombe sale ».
Dans ces conditions, quelle doit être notre attitude ? Que peut-on espérer aujourd'hui ?
Madame la Première ministre, le groupe RDSE adhère à la ligne assez consensuelle qui consiste à vouloir arrêter ce conflit, sans en devenir belligérants. Nous soutenons les efforts consentis par la France et l'Union européenne pour aider l'Ukraine à se défendre. Dans le même temps, nous approuvons aussi le régime de sanctions, bien que ses effets soient relativement limités sur l'économie russe, comme vient de le révéler le récent pronostic du Fonds monétaire international (FMI).
Néanmoins, tout doit être tenté pour maintenir la Russie au banc des nations, car ce n'est pas seulement l'intégrité territoriale d'un pays qui est en jeu, c'est également la vision d'un monde libre contre celle d'un impérialisme autoritaire.
Le discours stupéfiant de Sergueï Lavrov à l'ONU, puis celui du président Poutine, prononcé lors de sa cérémonie d'annexion du 30 septembre dernier, ont été « on ne peut plus clairs ». Leurs attaques verbales contre l'Occident ont été d'une rare violence.
Plus personne ne doute aujourd'hui du rejet par Moscou de nos valeurs, à l'exception peut-être du président Viktor Orbán. Ce dernier oublie un peu vite les chars soviétiques qui ont écrasé dans le sang, en 1956, des milliers de ses concitoyens. Faut-il le lui rappeler pour que la Hongrie ne s'éloigne pas du camp démocratique auquel elle est censée appartenir ? (M. André Gattolin approuve.)
Mes chers collègues, faute d'avoir marché sur Kiev en quelques jours, comme le prévoyait son scénario initial, le président russe s'enferme dans la guerre. Cet enlisement risque de nous y enfermer aussi.
Déjà, les conséquences économiques et énergétiques que la guerre entraîne en Europe, et même au-delà, ont des effets sur nos concitoyens.
Alors que la fin de la pandémie laissait entrevoir un retour à la croissance, la crise ukrainienne a provoqué une inflation galopante et engendré des tensions sur nos capacités énergétiques. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 : de nombreuses mesures sont mises sur la table afin de faire face à ces défis, mais nous savons que l'équation budgétaire sera difficile à résoudre.
Comme un effet domino, le conflit menace aussi la cohésion européenne. Les débats lors du dernier Conseil européen ont été tendus.
Je sais, madame la Première ministre, que la France ne ménage pas ses efforts afin de maintenir l'unité européenne, notamment autour du projet de plafonnement du prix du gaz, une mesure nécessaire.
Mais l'Allemagne est réticente. De plus en plus, Berlin fait cavalier seul et regarde vers l'Est ; c'est une inquiétude. Je pense d'ailleurs aussi, s'agissant de la défense, monsieur le ministre, à la volonté allemande d'harmoniser en Europe le contrôle de l'exportation des armements dans un sens qui lui serait clairement favorable, mais qui serait contraire aux intérêts industriels et stratégiques de la France. (M. Philippe Folliot applaudit.)
Les avis divergent également sur la question des négociations. Vous l'avez rappelé, madame la Première ministre, le Président de la République souhaite maintenir le dialogue avec Moscou, un choix parfois critiqué par les pays de l'Est. Mon groupe est favorable aux discussions, d'autant plus que Washington a considéré le mois dernier qu'elles pourraient constituer la seule issue au conflit.
En attendant, nous devons rester derrière l'Ukraine en lui fournissant les armes dont elle a besoin, dont les fameux canons Caesar aux performances remarquables et remarquées.
Mes chers collègues, le 4 mai 1939, dans le journal L'Œuvre, le socialiste pacifiste Marcel Déat – hélas ! futur pilier de la collaboration – publia un éditorial, au moment où l'Allemagne menaçait la Pologne, intitulé : Pourquoi mourir pour Dantzig ? (M. Alain Richard opine.)
M. Julien Bargeton. C'est une leçon d'histoire !
M. Jean-Claude Requier. Dans ce contexte de guerre aux portes de l'Europe, les Français seront-il prêts à se priver pour Kiev ? L'avenir le dira. Cependant, le courage extraordinaire de nos amis ukrainiens, leurs sacrifices et leurs valeurs démocratiques qui nous sont si chères imposent aux Français un devoir moral de soutien, d'aide et de solidarité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et UC ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et Les Républicains.)
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