Proposition de loi d'urgence visant à apporter une réponse solidaire et juste face à la crise
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons tend à répondre à la crise sanitaire par l'octroi d'aides au logement destinées à lutter contre la pauvreté et contre son aggravation. Elle prévoit en outre de modifier le calendrier de l'exonération de la taxe d'habitation pour financer cette mesure.
Le dispositif envisagé consiste à verser aux bénéficiaires des aides personnalisées au logement un complément d'un montant de 100 euros par mois, jusqu'à trois mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. Il repousse de 2022 à 2023 l'entrée en vigueur de la mesure portant de 30 % à 65 % l'exonération de la taxe d'habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés et de 2023 à 2024 la suppression de cette taxe pour ces ménages.
L'article 1er instaure le complément de 100 euros, soit une augmentation de 65 % à 100 % du montant des APL pour les étudiants y ayant droit et de près de 50 % du montant moyen des APL, soit 225 euros, pour 6,6 millions de foyers concernés. Cette aide massive s'appliquerait dès la promulgation du texte, en urgence.
L'article 2, quant à lui, modifie l'article 16 de la loi de finances pour 2020, portant dégrèvement de la taxe d'habitation sur la résidence principale des 20 % de ménages les plus aisés : il en reporte la deuxième étape de 2022 à 2023 et la suppression définitive de la taxe de 2023 à 2024. Si – je tiens à le rappeler – la suppression de la taxe d'habitation est une erreur à la fois financière et démocratique, il ne me semble pas judicieux de revenir sur le calendrier établi.
Les auteurs de ce texte ont également voulu apporter une réponse politique à la baisse de 5 euros des APL, décidée par le Gouvernement en début de mandat, et à la réforme actuelle de ces aides, insatisfaisante, j'en conviens, en particulier pour ce qui concerne l'accession à la propriété.
Si le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen approuve la volonté affichée de lutter contre l'aggravation des inégalités dans la crise, la solution choisie ne semble pas vraiment adaptée aux besoins réels de la population.
Une étude de l'Insee datant de 2016 – les choses ont bien évolué depuis lors, sans doute – révélait de fortes inégalités entre les Français, avec 10 % des plus aisés touchant 6,7 fois plus que les 10 % les plus pauvres, après impôts et prestations sociales. Les inégalités patrimoniales étaient encore plus fortes, et 9,3 millions de personnes avaient un revenu inférieur au seuil de pauvreté.
En 2020, un million de personnes supplémentaire se retrouvent en situation de pauvreté, soit plus de 10 millions de nos concitoyens.
La commission des finances n'a pas adopté le texte. Comme une majorité des membres de cette commission, j'émets de fortes réserves sur l'efficacité de l'article 1er, car la mesure qu'il instaure s'appliquerait uniformément à tous les bénéficiaires des APL, sans condition de ressources ni prise en compte des spécificités.
Or les personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont confrontées à des arbitrages insolubles au quotidien : payer les factures ou manger, payer les factures ou se loger, se vêtir, chauffer son logement ou encore se soigner, payer l'assurance, le transport, les impôts ou les crédits en cours. Le reste à vivre diminue comme peau de chagrin, en raison de la part prépondérante des dépenses de logement, le loyer représentant en moyenne 36 % des dépenses des ménages précaires.
Dans ce texte, rien ne vient garantir que les 7 milliards d'euros que coûterait cette disposition seraient véritablement utiles pour lutter contre les inégalités, et il y aurait, à coup sûr, un effet de seuil considérable entre les bénéficiaires de cette mesure et les autres.
C'est pourquoi le groupe du RDSE votera, dans sa majorité, contre cette proposition de loi.
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